L’Europe laitière s’engage dans une compétition suicidaire
par Leblanc jj, le 14 Février 2012 08h49
Le13 février prochain, le Parlement Européen devrait adopter le « paquet lait » déjà validé par la Commission et par le Conseil des ministres en décembre dernier et boucler ainsi la dernière étape de la dérégulation du marché laitier votée en 2003. Pourtant, les arguments majeurs justifiant cette réforme laitière libérale ont été sévèrement critiqués par les plus hautes instances européennes de conseil et de contrôle et ont infirmé par les faits. La crise plongeant à nouveau une large part de l’Europe dans la récession et le chômage, il parait inconcevable de poursuivre cette privatisation du secteur laitier, destructrice d’emplois et de biens publics. Un recentrage sur le marché européen est souhaitable, non seulement pour les producteurs et les consommateurs mais aussi pour la préservation de la nature, de la diversité des territoires et des savoirs faire locaux. Tout cela reste enc...
Le13 février prochain, le Parlement Européen devrait adopter le « paquet lait » déjà validé par la Commission et par le Conseil des ministres en décembre dernier et boucler ainsi la dernière étape de la dérégulation du marché laitier votée en 2003. Pourtant, les arguments majeurs justifiant cette réforme laitière libérale ont été sévèrement critiqués par les plus hautes instances européennes de conseil et de contrôle et ont infirmé par les faits. La crise plongeant à nouveau une large part de l’Europe dans la récession et le chômage, il parait inconcevable de poursuivre cette privatisation du secteur laitier, destructrice d’emplois et de biens publics. Un recentrage sur le marché européen est souhaitable, non seulement pour les producteurs et les consommateurs mais aussi pour la préservation de la nature, de la diversité des territoires et des savoirs faire locaux. Tout cela reste encore possible, sans surcoût budgétaire , si le Parlement Européen en décide autrement.
Cette reforme laitière était justifiée par trois affirmations inexactes ou non démontrées par les faits.
D’abord l’alignement inéluctable de la PAC sur le marché mondial selon les règles de l’OMC avec la fin des protections aux frontières. Or non seulement les négociations à l’OMC n’ont pas avancé depuis plus de 10ans mais il se trouve de plus en plus de grands pays, notamment les Etats Unis et l’Inde, cherchant à classer les produits laitiers dans les produits sensibles, voire à les sortir des discussions de l’OMC. De plus, alors que l’Europe libéralise et privatise son marché laitier, les Etats-Unis font l’inverse en préparant une loi de sécurité laitière visant à renforcer les garanties de marge de tous leurs producteurs sans limite de taille de troupeau et assortie d’une régulation des volumes par ferme ! .
Ensuite, cette réforme devait être bénéfique au consommateur du fait d’une baisse des prix résultant d’un marché ouvert. Plusieurs études basées sur l’analyse des faits dans une dizaine de pays, démontrent qu’il n’en est rien et que ce sont les maillons intermédiaires, transformation et distribution qui empochent la marge (1)
Enfin, face à une demande mondiale croissante, la réforme devait stimuler la compétitivité de toute la filière laitière européenne pour reconquérir notre part du marché mondial largement érodée depuis la mise en place des quotas. S’agissant principalement d’exportation de poudre de lait et de beurre, largement subventionnées jusqu’à ces dernières années, il faudra maintenant se battre en direct et sans filet de protection, avec les Néozélandais et d’autres concurrents n’ayant pas nos contraintes environnementales et sociales. Pour la Cour des Comptes Européenne et pour le Conseil Economique et Social ce pari de compétitivité parait peu crédible et même incompatible avec les objectifs affichés par la Commission pour un développement rural durable et l’équilibre des territoires. Ces deux rapports publiés fin 2009 début 2010, n’ont pas modifié la position de fond de la Commission sinon quelques concessions mineures au Conseil des ministres de l’Agriculture et au Parlement Européen.
Pourtant, dans une Europe en crise, avec un taux de chômage à plus de 10%, voire 20% en Espagne, et une disparité croissante entre régions riches et pauvres, laisser faire le marché c’est inévitablement encourager la concentration dans les régions les plus favorisées qui produisent déjà plus de la moitié du lait sur moins de 10% du territoire, avec toutes les conséquences sociales et environnementales associées.
Cette réforme va encourager un modèle de production laitière industriel avec de grands troupeaux dans des stabulations de plus en plus automatisées pour l’alimentation et la traite, nécessitant de moins en moins de main-d’œuvre. Elle va aussi réduire la place des prairies et du pâturage au profit du maïs ensilé, des aliments achetés et du soja importé, pour des vaches encore plus granivores, plus productives et plus fragiles ! Tout cela pour des revenus de plus en plus aléatoires face à la volatilité des prix comme le montre la quasi faillite des l’élevage laitier danois, notamment les plus modernisés car les plus endettés (2), qui avaient pourtant servi de modèles à la Commission pour préparer la sortie des quotas !
Malgré toutes ces réserves, cette double évolution, avec de grands élevages industriels se concentrant dans les zones labourables, pourrait être particulièrement rapide dans certains pays de l’Est de l’Europe où l’on voit se développer des unités de 1000 vaches ou plus, avec le soutien des grands groupes laitiers européens, privés ou coopératifs. Il y a même quelques exemples plus près de nous, en Picardie ou en Angleterre avec des projets à 1000 et 8000 vaches respectivement. C’est malheureusement aussi le cas dans les pays pauvres où les très petits troupeaux assurent encore l’essentiel de la production comme en Afrique et en Asie.
Ainsi depuis quelques années, Nestlé et Danone, en parallèle de quelques actions de soutien aux petits producteurs bien médiatisées, soutiennent le développement de grands, voire très grands troupeaux en Europe de l’Est, en Afrique du Nord, au Moyen Orient avec des cofinancements nationaux publics ou privés, notamment dans les pays pétroliers avec des fermes laitières géantes implantées en plein désert, avec irrigation de luzernières à partir de l’eau des nappes non renouvelable !
De même, la coopérative néo-zélandaise Fonterra, déjà présente dans la plupart des pays en développement avec des usines de reconstitution de lait à partir de sa poudre, soutient la constitution de très grands troupeaux en Chine et en Inde mais aussi en Argentine, au Chili, au Brésil où elle encourage ses producteurs néozélandais à reprendre des fermes dans ces pays où le foncier et la main d’œuvre sont bon marché.
Il y a aussi des multinationales de l’agroalimentaire tels Pepsico et General Mills ainsi que des acteurs financiers qui estiment que la filière laitière représente un nouveau secteur porteur .Au Vietnam des banques privées ont lancé un projet de plusieurs dizaines de milliers de vaches importées de Nouvelle Zélande, avec un objectif affiché d’assurer à terme 30% de la consommation nationale. En bref, l’industrialisation de la production laitière est en train de suivre celle de la production porcine qui a installé des unités géantes en Asie du Sud-Est d’abord puis partout ailleurs, là où il n’y avait pas ou peu de législation environnementale et sociale.
Le modèle industriel américain est un « paquet technique» séduisant pour des gouvernements en quête de résultats spectaculaires, sans risques sanitaires pour l’approvisionner les villes. C’est tentant non seulement pour les pays émergents ou pétroliers mais aussi ici, en Europe. Ainsi pour assurer toute la collecte-laiterie de la Roumanie, il suffirait de trois unités laitières comme celle de la ferme géante de Fair Oaks avec ses 30 000 vaches, à 100 km de Chicago! Et avec quelques unités supplémentaires de ce type on pourrait remplacer tout le « lait informel » des circuits locaux alimentés par près d’un million de petits troupeaux à moins de 5 vaches ! Mais qui prendra en charge ce million de familles où les quelques litres de lait vendus chaque jour représentent la principale recette pour survivre?
. En fait ce lait informel dit «lait populaire» représente près de 80 % de la production en Roumanie, 85% en Inde, voire plus au Pakistan, au Bengladesh, en Afrique de l’Est. Et le prix de ce lait populaire est souvent deux fois plus faible pour le consommateur que le lait collecté et traité par les laiteries(3).Or pour un même volume de lait, par exemple un million de litres, ce lait populaire permet de faire vivre ou survivre, 500 familles en Roumanie ou en Inde avec 2 vaches contre une seule une famille au Danemark, surendettée de surcroît !
Ainsi les choix semblent plus clairs. Soit on opte pour la compétition libre et l’industrialisation avec un nombre minimum de troupeaux pour produire le lait, dans les régions les plus favorables, en Europe ou ailleurs selon les opportunités et dans une stricte logique de rentabilité financière des groupes laitiers. Et on laisse aux finances publiques et aux contribuables la charge des dégâts collatéraux sociaux et environnementaux, en Europe et ailleurs dans le monde.
Soit on opte pour la souveraineté alimentaire de l’Europe -respectant en retour celle des autres pays- et pour un développement régional durable avec un nouvel équilibre économique, social et environnemental, avec des éleveurs nombreux et des produits laitiers typés et diversifiés. Ce qui justifie un soutien plus important aux régions à vocation herbagère, non concurrentes pour les cultures céréalières et préservant au mieux des biens publics tels l’eau, le sol, la biodiversité, les paysages et le stockage de carbone par les prairies.
La douzaine de multinationales laitières, coopératives incluses qui collectent près de la moitié du lait européen n’ont apparemment pas pour mission (4) de répondre à ces questions politiques, d’aménagement du territoire européen, de développement durable, d’environnement et bien être social. Il appartient donc aux politiques de fixer le cadre dans lequel les acteurs économiques peuvent agir. Et aussi de redéfinir le ciblage des aides en fonction de la coproduction de biens publics. Pour l’Europe, la réforme laitière avec la fin des quotas va supprimer le cadre de régulation entre pays et laiteries puisque le « paquet lait » fait l’impasse sur la régulation globale (hormis les AOP- IGP qui ne pèsent que quelques % du lait européen). La possibilité pour les producteurs de se regrouper en organisations de producteurs (OP) pour mieux négocier avec les laiteries est parfaitement illusoire sans cadre européen de régulation entre pays, régions et laiteries. L’expérience de la Suisse montre clairement que même dans un petit pays plutôt consensuel, la contractualisation et les OP n’ont pas permis de maitriser l’offre et d’éviter la baisse du prix du lait à la ferme, en dessous des coûts de production. Pour l’Europe des 27 ce sera pire vu l’extrême diversité des élevages et des contextes. Ce sera la guerre entre groupes laitiers aux dépens de tous les producteurs, surtout des plus petits mais aussi aux dépens des régions défavorisées où le lait reste encore la base de l’économie locale, souvent faute d’autres choix que la forêt.
Ce lundi 13 février, les députés européens, conscients de ces enjeux, ne peuvent pas adopter ce paquet lait, synonyme d’une politique laitière absurde et suicidaire pour la majorité des éleveurs européens mais aussi pour l’avenir de l’Union !
André Pflimlin, auteur de  Europe laitière, valoriser tous les territoires pour préserver l’avenir; Editions France Agricole 2010 [afpflimlin@yahoo.fr]
1. Mercier-Gouin, 2008Â ; Boussard et al 2010; Kroll et al 2010;
2. Danemark : avec un million de litres de lait par ferme, pas de revenu en 2008 et 2010 et une perte de 40 000€ par UTA familiale en 2009. Et une dette moyenne de 20 000€ par vache.
3. La grande arnaque du lait ( industriel ): Grain 2011
4. La filière laitière française, la compétitivité aura un prix. HCCA-Coop de France 2010
par Lisa09, le 24 Mars 2025 12h41
Je suis Lisa gadois une prêteuse particulière offrant des prêts à un taux d\'intérêt raisonnable 3% dans toute la France, la Belgique, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la nouvelle Caléd
par pinpin , le 23 Mars 2025 10h06
Tous les articles sur le Net, les journaux papiers ou televises ne parlent que de ça Il manque de viande de boeuf à cause de la maladie de la fco, notamment, et aussi de par le fait qu il y a de moi
par Benoît GEORGES, le 20 Mars 2025 06h57

Prochaine séance : jeudi 20 mars à Dinant (Salle Le Refuge, rue de Wespin 27) à 13h30.
Conférence donnée par la Direction de l\'Identification et des Surfaces de l\'OPW.
Une organisation de la Dire
par Benoît GEORGES, le 17 Mars 2025 16h00

Mardi 18 mars au Campus agronomique de la Haute Ecole de la Province de Liège (HEPL), rue Haftay 21 à 4910 La Reid à 13h30
Conférence donnée par la Direction de l\'Identification et des Surfaces
par Benoît GEORGES, le 16 Mars 2025 16h54

Ces derniers temps, le soleil revient… et avec lui, l’envie de tailler ses haies. Malgré cela, on ne se précipite pas sur son taille-haie ! Pour les agriculteurs en Wallonie, il existe une inter
par Louis DC, le 03 Mars 2025 09h07

Bonjour,
Depuis plusieurs années je rencontre des dégats de corvidés sur ma ferme… Ces dégâts augmentent d’années en années au vu des populations qui ne cessent d’augmenter… Puis-je vo
Sucellos
le 15 Février 2012 17h21
Copié collé du pamphlet de l'EMB que M Noel référençait dans un commentaire daté du 09/02 !
C'est la même litanie, rabâchée depuis que le groupe de haut niveau a remis ses conclusions et que le Conseil s'est accordé avec le PE. Cet argumentaire, présenté à tous les décideurs, n'a convaincu personne, si ce n'est ceux qui le présentent et ceux qui espèrent que leurs privilèges soient maintenus.
"Privatisation du secteur laitier" : que c'est étrange comme argument ! Dites moi, M Leblanc, connaissez vous une seule exploitation laitière, une seule unité de transformation qui serait gérée par des pouvoirs publics dans l'UE ? Ne savez-vous pas que le bloc communiste s'est effondré il y a plus de vingt ans ? Avez-vous oublié que cet effondrement a été dû en grande partie à la détérioration structurelle des conditions économiques et financières ? Est-ce la nationalisation du secteur que vous et vos amis de l'EMB défendez puisque vous trouvez inacceptable que le secteur soit géré par le privé ?
Le secteur a toujours présenté des visages multiples et ce n'est pas la fin des quotas dont personne en voulait en 1984, qui y changera quoi que ce soit. Il y aura toujours, quel que soit le système ou les prix une partie des producteurs qui gagnera sa vie et une autre qui aura des coûts de production tels qu'ils seront en difficultés lorsque les prix seront en baisse. Les premiers sont ceux qui savent adapter leur système en fonction des prix reçus ou qui auront organisé leur commercialisation de façon efficace en visant tel ou tel marché. Cela s'appelle la compétitivité ou la capacité (ressources humaines, financières et matérielles) à faire face à la concurrence tant sur les marchés externes que sur les marchés internes, la capacité de s’adapter aux évolutions futures et de s’y préparer, la capacité à satisfaire le besoin des utilisateurs.
Et se replier sur l'Europe ne changerait rien. La baisse continue du nombre d'exploitations laitières au Canada, malgré le strict contingentemen
Sucellos
le 16 Février 2012 15h58
Voici la liste des parlementaires qui ont voté contre le paquet lait hier : les eurosceptiques, les divers gauches anticapitalistes de tous bords, les "non inscrits" de l’extrême droite et bien entendu les verts emmenés par l'illustre ami de M le carolo.
EFD: Agnew, Andreasen, Batten, Bloom, Bufton, Clark, Farage, de Villiers
GUE/NGL: Bisky, Chountis, Ernst, Ferreira João, Händel, Hénin, Klute, Le Hyaric, Liotard, Lösing, Matias, Meyer, Murphy, Mélenchon, Omarjee, Portas, Ransdorf, Rubiks, Scholz, Toussas, Vergiat, Zimmer, Zuber
NI: Ehrenhauser, Gollnisch, Le Pen Jean-Marie, Le Pen Marine, Martin Hans-Peter, Mölzer, Nattrass, Obermayr, Sinclaire, Sosa Wagner, Werthmann
S&D: Arlacchi, Ertug, Haug, Kreissl-Dörfler, Sippel
Verts/ALE: Albrecht, Alfonsi, Andersdotter, Benarab-Attou, Bové, Bélier, Canfin, Chrysogelos, Cochet, Cohn-Bendit, Cornelissen, Cramer, Cronberg, Delli, Durant, Eickhout, Engström, Evans, Flautre, Giegold, Grèze, Harms, Hassi, Hudghton, Häfner, Häusling, Jadot, Keller, Kiil-Nielsen, Lambert, Lamberts, Lichtenberger, Lochbihler, Lunacek, Lövin, Miranda, Rivasi, Romeva i Rueda, Rühle, Sargentini, Schlyter, Schroedter, Schulz Werner, Smith, Staes, Tavares, Taylor, Trüpel, Turmes, Ždanoka
obelix
le 16 Février 2012 17h08
et Tarabella a voter pour ????
comment va t il expliquer ça.... mdr
Sucellos
le 16 Février 2012 17h51
Confirmation : il a voté pour, tout comme le fils de "papa" ...
par le carolo
le 17 Février 2012 07h37
les producteurs Européen son les plus compétitif du monde, le seul problème qu'il vive maintenant c'est que leurs frais son beaucoup trop élever pour survivre.
par le carolo
le 17 Février 2012 16h36
Bien sur que je suis compétitif, c'est tous les copains qui on voter pour le paquet lait ( les libéraliste) qui joue en bourse pour me confisquer ma marge.